Création printemps 2026
Texte et mise en scène Alexandre Koutchevsky
Avec Charline Grand, Woodina Louisa, Richard Sammut
Coproduction Culture Commune, Scène nationale du Bassin minier du Pas-de-Calais
Malraux, Scène nationale Chambéry Savoie
Avec le soutien du CNCA - Centre National pour la Création Adaptée de Morlaix
Il y avait une usine, une mine, une industrie, une manufacture, un site d’extraction ou de production.
Il n’y en a plus. Ou alors des traces.
Cette zone de labeur a régenté la vie de milliers de gens pendant une ou plusieurs générations. Elle a créé les habitations pour loger gros bras et petites mains, d’abord importés de la campagne environnante puis des régions voisines, souvent de pays proches ou lointains.
Elle a créé ses ramifications dans le paysage, comme un arbre étend ses racines : routes, rails, canaux.
Elle a parfois modifié durablement le paysage comme un pavé jeté dans un lac qui propage ses ondes.
Cette zone de labeur a créé une culture et une histoire commune.
J’ai intitulé une des résidences, que j'ai effectuées à Culture Commune entre 2020 et 2023, « Vous qui passez par là ». Pendant une semaine, j’étais installé sous une tente et accueillais les personnes qui passaient sur le parvis de la base 11/19. Travailleurs des entreprises du site, de la chaîne des terrils, habitants, en chemin pour leurs courses et activités, promeneurs, touristes, responsables de l’Unesco... j’ai pu m’entretenir avec une trentaine de personnes qui venaient s’asseoir un moment avec moi pour partager un thé ou un café. À chacune et chacun je demandais : « que faites-vous ici, vous qui passez par là ? » La conversation s’engageait. C’est ainsi toute une galerie de personnages qui est apparue : la responsable de l’Unesco qui ne peut suivre la visite guidée en haut des terrils à cause de son mal de dos, le grand connaisseur de l’écosystème des terrils, le peintre en bâtiment retraité, l’ancien installateur de télévisions chez les mineurs silicosés, la randonneuse des terrils, la voisine qui promène son chien et s’occupe de son père ancien mineur, la doctorante spécialiste des rotondes SNCF, le quarantenaire à vélo électrique, la mère de famille qui pousse son chariot jusqu’au supermarché, etc.
Ces vivants qui traversent ce paysage de signes d’adieu constituent pour moi le second impulseur sensible né de mes temps de résidence à Culture Commune.
Qui passe par là ?
Qui vit ici ou à côté ?
Qui travaille là ?
Et comment ce passé surplombant traverse t-il les gens qui passent par là ?
Un des enjeux du théâtre-paysage, c’est de s’articuler avec force à chaque nouveau site de représentation. Un ancien carreau de mine comme Loos-en-Gohelle ne présente pas le même paysage que l’ancienne manufacture des tabacs à Morlaix ou que d’autres sites dans lesquels se déroulera le spectacle.
Mais on retrouve un certain nombre d’invariants sur lesquels peut s’appuyer la mise en scène, comme les grandes distances, les perspectives, les murs anciens ou encore les traces des machines.
Ce gigantisme ainsi que l’âpreté des matériaux propres à l’industrie, m’intéressent particulièrement dans le travail de mise en scène car ils mettent en exergue la fragilité du corps des interprètes. Mais simultanément ils provoquent eux aussi ce sentiment d’une troublante solitude : où sont les humains qui les ont bâties, ces usines, ces sites d’extraction ou de production, qui les ont fait vivre, qui ont su en tirer parti, qui ont travaillé ici ? Aujourd’hui, désaffectés, dépeuplés, ces volumes et distances immenses, ces matériaux tendus vers leur effritement, laissent apparaître leur fragilité.
Le dernier mineur
- A : Le dernier mineur, Richard S., avec qui nous avons longuement parlé sur le parking ensoleillé de l’Intermarché de Loos-en-Gohelle, nous a dit que la première fois qu’il est descendu, quand la cage s’est élancée vers le fond à plus de 12 mètres par seconde, il a eu l’impression qu’en lui tout remontait, que son cœur allait sortir de sa bouche.
- B : Et quand il est remonté, à la même vitesse, quelques heures plus tard, ce fut l’inverse, ses organes se précipitèrent vers le bas.
- A : Quand il descend, son cœur veut s’échapper de sa poitrine pour rester en haut, à l’air libre, à la surface, comme s’il savait qu’il pouvait y rester, au fond, son cœur, ne jamais en revenir.
- B : Mais quand il remonte c’est l’inverse, c’est comme si son cœur voulait rester au fond, qu’il était triste de quitter ce monde souterrain.
- A : Tandis qu’il finissait de ranger ses courses dans son coffre, Richard S. ne nous a pas dit que la dernière fois qu’il est remonté, son cœur est définitivement resté au fond.
- B : Mais nous l’avons entendu dans sa voix.
- A : Ce jour où l’eau a envahi le puits et les galeries,
- B : où le béton a clôturé les ouvertures en surface,
- A : ce jour-là, des milliers de cœurs de mineurs sont restés en bas pour toujours.
- B : Richard S. nous a salués,
- A : est remonté dans sa voiture,
- B : a disparu dans la campagne.
- A : Sur le parking de l’Intermarché de Loos-en-Gohelle, nous nous sommes demandés
- B : Qu’allons-nous faire de tous ces cœurs de mineurs sous nos pieds ?
Texte et mise en scène Alexandre Koutchevsky
Avec Charline Grand, Marina Keltchewsky, Élios Noël
Première résidence d’exploration à l'ÉCLAT du 26 au 29 mars 2024.
Coproduction
L'ÉCLAT - Centre National des Arts de la Rue et de l'Espace Public - Aurillac
L'ARCHIPEL, pôle d’action culturelle, scène de territoire pour le théâtre de Fouesnant-les Glénan
Gravir, grimper, descendre, rouler, glisser, monter, chuter, dévaler, haut, bas… J’aime l’idée que les images induites par la pente sont nombreuses, stimulantes car énergiques. Peut-être parce qu’à l’image du courant électrique ou du cours d’eau, la pente implique une différence de potentiel, et, par conséquent, une mise en mouvement, un jeu de forces.
Qu’on la grimpe, qu’on la descende, ou l’arpente en suivant une de ses courbes de niveau, la pente réclame toujours un effort du corps. Effort évident quand on la grimpe, effort de contrôle de la vitesse et du freinage quand on la descend, effort d’accordage de la hauteur des jambes quand on suit une de ses courbes de niveau.
Parce qu’elle relie le « haut » et le « bas », la pente est également une formidable machine à concepts. La religion, la morale, et plus globalement la passion humaine pour la hiérarchisation, ne s’y sont pas trompées : remonter la pente, être sur une mauvaise pente, avoir des hauts et des bas, monter au ciel, la Pentecôte1, l’Ascension, descendre en enfer, monter en grade, descendre dans le classement, atteindre le sommet, tenir le haut du pavé, déchoir... on n’en finirait pas d’épuiser le champ lexical du haut et du bas, deux endroits souvent reliés par une pente. S’attaquer à cette frénésie de la hiérarchisation dans un paysage de pente, constitue une entrée particulièrement stimulante. J’y pressens un formidable outil à la fois poétique, ludique et réflexif.
La pente possède le mérite de nous offrir une alternative au saut dans le vide pour éprouver la loi de la gravitation universelle. Les efforts qu’elle nous impose pour la gravir, la vitesse qu’elle nous fait prendre quand on la descend, nous font connaître plus intimement le graviton, cette particule élémentaire qui transmettrait la gravité, prévue dans la plupart des systèmes de gravité quantique mais non encore découverte.
Se déplacer dans une pente, c’est expérimenter la loi de la gravitation qui nous relie à la planète Terre, la même qui relie celle-ci au soleil, et celui-ci au trou noir central de notre galaxie. Se déplacer dans une pente c’est ressentir notre condition de petite masse au sein de l’univers.
À Aurillac, nous avons donc commencé par nous intéresser de près à la loi de la chute des corps, qui a occupé bon nombre de physiciens d’Aristote à Einstein en passant par Galilée et Newton.
Il m’a semblé que nous devions être intimement convaincus que notre corps roule dans la pente comme la Lune autour de la Terre, en suivant la courbure de l’espace-temps, pour commencer le travail.
J’ai proposé à Charline Grand, Marina Keltchewsky et Élios Noël, de venir partager avec moi cette aventure pentue. Tous les trois sont de fidèles partenaires des créations de théâtre-paysage depuis les débuts. Nous avons inventé ensemble une bonne part du vocabulaire qui nourrit la fabrication de nos spectacles. Mais il se trouve également qu’ils ont aussi, chacune et chacun à leur manière, un rapport fort à la montagne, et donc une histoire avec les pentes, que ce soit parce qu’ils habitent en région montagneuse ou parce qu’ils y marchent très régulièrement.
Il est fort possible qu’au fil du travail nous éprouvions la nécessité d’inviter dans ce projet une quatrième personne : quelqu’un peut-être d’un autre champ artistique, comme la danse, le cirque ou autre. Quelqu’un qui nous apporte un autre rapport à la pente. Mais il est aussi possible que cette quatrième personne soit scientifique, géographe, parapentiste…
Élios Noël « Ça dépend d’où tu regardes, le vertige ou l’ivresse de continuer à monter et de voir jusqu’où tu peux voir. C’est un peu inquiétant, ce qui y tombe prend une vitesse folle, c’est pas le vide, c’est plus précaire, moins absolu. Plus tendancieux. Ça épuise aussi, casse les pattes. La monter sans trop souffrir c’est aussi prendre chaque pas pour ce qu’il est, et oublier pour un temps ce qu’il y a en haut. C’est la vue. c’est le bonheur de regarder au loin avec le cœur qui bat encore vite, c’est un intermédiaire entre marcher et grimper. »
Marina Keltchewsky « Une pente n’offre pas beaucoup d’autres possibilités que de la regarder. Si tu ne la regardes pas, tu ne regardes pas tes pieds, et si tu ne regardes pas tes pieds, tu tombes. Bon il existe des pentes douces c’est vrai, et l’été peut aussi être en pente douce, c’est un joli titre que je n’ai jamais bien compris. »
Charline Grand « La pente permet de se décaler du sol. La pente est douce sinon c’est un gouffre, un trou. La pente est un chemin vers un autre terrain, elle permet d’atteindre quelque part, elle est un entre-monde. Peut-on stationner sur une pente ? Sur cet entre-monde ?
Je pense aux pyramides, au dos d’une baleine, aux gradins d’un théâtre aussi. Je pense aux sherpas, peuple du Népal, qui fournissent guides et porteurs aux expéditions d’alpinistes dans l’Himalaya. Je pense aux personnes migrantes aussi, qui gravissent la frontière italo-française. »
1- La première version de Blockhaus, pièce courte, date de 2006, la seconde, pièce longue, de 2014.
2- Les bunkers étaient généralement camouflés sous de faux toits de paille pour faire croire à des fermes, ou des tentures de masquage, de manière à les rendre difficilement perceptibles par les aviateurs.
3- J’avoue que la « Pentecôte » me plaît beaucoup : quel est cet étrange redoublement du dénivelé au sein d’un même mot ?
Interprètes et partenaires de recherche Charline Grand, Marina Keltchewsky, Julie Mathieux, Mbilé Yaya Bitang, Élios Noël
Création juin 2021
à partir de 14 ans
- Charline :Vous avez déjà pris l’avion pour la Martinique ? Air Caraïbes ? Air France ? Corsair ? Je crois que les Bretons ont un truc avec ces îles, non ?
À l'aéroport Roissy Charles de Gaulle, dans la salle d'embarquement, je regarde les gens. Il paraît assez clair que la plupart d'entre eux, plutôt âgés, sont d'accord avec mon grand-père : ils vont prendre des vacances au soleil dans ce morceau de France à 7000 km. Et 7 heures plus tard, alors que nous descendons vers Fort de France, par mon hublot j'aperçois soudain, projetée sur l'Atlantique, l'ombre de notre avion. Sur l'océan bleu profond, la silhouette noire de notre appareil tracée dans la mer. Cette image de notre avion sur l'océan, c'est le navire négrier deux siècles plus tôt. Nous, Français d'aujourd'hui, ne serions pas dans cet avion à descendre vers la Martinique, si nos ancêtres n'avaient envoyé pendant trois siècles sillonner cet Atlantique, des dizaines de milliers de navires transportant près d'un million trois cent-mille Africains pour les réduire en esclavage.
La Martinique c'est l'Histoire de France qui te gifle à peine sortie de l'avion. Mais c'est le soleil, aussi, qui te met une claque en arrivant, alors je file à la plage, où les choses sont comme prévu : l'eau turquoise est transparente, l'écume se fracasse sur la barrière de corail, les baigneurs éblouis par l'azur... je regarde ces touristes dont je fais partie. C’est alors qu’en retrait de la plage, à l'ombre sous les cocotiers, un ruban de plastique rouge et blanc attire mon attention.
Bonjour !
- Les archéo-anthropologues: Bonjour.
- Charline : C'est une tombe ?
- Élios : Plusieurs tombes en fait, c'est un cimetière.
- Charline : Ici, sur la plage ?
- Yaya : C'est à cause du cyclone il y a deux mois. L'érosion des dunes fait régulièrement apparaître d'anciens cimetières d'esclaves.
Rivages est un projet de théâtre-paysage fondé sur les trois sommets du commerce triangulaire. Le projet aborde la traite négrière transatlantique par le biais de ses paysages maritimes.
Rivages part du désir lointain de faire du théâtre-paysage sur et à partir de ces seuils que sont les plages. Ces paysages de plages, avec mes camarades du théâtre-paysage, nous les avons côtoyés depuis 2014, année de création de Blockhaus, qui se joue face aux bunkers du Mur de l'Atlantique. Ils étaient là ces rivages, frontières liquides suturées par l'horizon, leur présence insistante a fini par créer ce désir de travailler avec eux.
Mais Rivages tire également un autre fil, déroulé depuis une dizaine d'années, celui de la relation avec l'Afrique. Depuis 2008 et les premiers Ciel dans la ville, spectacles joués dans et autour d'aéroports français et africains, jusqu'à Mgoulsda yamb depuis Ouaga, créé en 2017 dans des cours d'école burkinabè et françaises, nous cherchons à éprouver le décentrement profond, la puissante relecture de l'Histoire que réclament des créations communes entre artistes français et africains dans un souci constant de réciprocité maximale.
C'est donc à la jonction d'un paysage et d'une collaboration ancienne avec des artistes du continent africain que se situe Rivages. Un pas de plus vers la mer, un pas de plus dans l'Histoire commune qui lie la France et le continent africain. Un pas dans l'horizontale du paysage, un pas dans la verticale de l'Histoire. Rivages cherche donc la réciprocité des regards, des histoires, l'échange et l'articulation des points de vue en mêlant artistes et langues des trois sommets du triangle.
Texte et mise en scène Alexandre Koutchevsky
Interprètes et partenaires de recherche Charline Grand, Marina Keltchewsky, Julie Mathieux, Mbilé Yaya Bitang, Élios Noël
Compositrice et musicienne Julie Mathieux
Technique Frank Lawrence
Costumes Laure Fonvieille
Conseiller historique : António de Almeida Mendes, Maître de conférence Université de Nantes et membre du CIRESC
Diffusion Florence Bourgeon
Production Gabrielle Jarrier
Administration Alice Boizard, Charlotte Hubert-Vaillant
Production Lumière d’août
Coproduction Le Quartz, scène nationale de Brest, Théâtre de Lorient-CDN, L'Archipel (Fouesnant-Les Glénans), Scène Nationale La Passerelle (Saint-Brieuc), La Comédie de Caen, CDN de Normandie
Soutiens Le Canal, théâtre du Pays de Redon, scène conventionnée d'intérêt National art et création pour le Théâtre, Orphéon (La-Seyne-sur-mer) dans le cadre d'une résidence d'écriture soutenue par la Région PACA, résidence à L'entresort, Centre National de Création Adaptée, au SEW, Morlaix
Alexandre Koutchevsky a bénéficié en 2019 d'une bourse de création du Centre National du Livre pour l'écriture du texte.
Le projet bénéficie du soutien de la convention Institut français et Région Bretagne, et du programme "Théâtre export" de l'Institut Français.
Représentations 2023-2024
— Septembre 2023 programmation La Passerelle, Scène Nationale de Saint-Brieuc
— En cours : Le Grand T (Nantes), SN Bayonne.
Représentations 2022
— 8, 9, 10 juin 2022 (3 représentations ) — programmation de la Comédie de Caen
Représentations 2021
— 23-24 juin 2021 (2 représentations ) — programmation de L'Archipel, Fouesnant (29) — création
— 26-27 juin 2021 (2 représentations ) — plage de Kerguélen, Larmor Plage, programmation du théâtre de Lorient (56) — création
— 24, 25, 26 septembre 2021 (5 représentations ) — programmation Le Quartz, Scène nationale de Brest & La Maison du théâtre, Brest (29)
Répétitions 2017-2021
— novembre 2017, mai et août 2018 — résidences de l'équipe artistique avec l'Archipel, Fouesnant
— 28 et 29 janvier 2019 — présentation du projet au G19 professionnels de la région Nouvelle-Aquitaine
— 22 au 28 avril 2019 — résidence d'écriture à l'Orphéon théâtre, la Seyne-sur-mer
le 27 avril rencontre avec Alexandre Koutchevsky autour du théâtre-paysage et de ses livres Blockhaus et Ça s'écrit T-C-H / Mgoulsda yamb depuis Ouaga
— 17 au 29 juin 2019 — résidences de l'équipe artistique avec le théâtre de Lorient puis avec l'Archipel, Fouesnant
— 18 au 21 novembre 2019 — résidence de l'équipe artistique sur le sucre à l'ISSAT avec Le Canal, Redon
— 26 février au 5 mars 2020 — résidence, rencontres au Sénégal (Dakar, ...) — Alexandre Koutchevsky et Yaya Mbilé Bitang
— 8 au 13 septembre 2020 — résidence de l'équipe artistique à Larmor Plage accueillie par le théâtre de Lorient
— décembre 2020 — 3 jours écriture et composition musicale — Alexandre Koutchevsky et Julie Mathieux
— résidence, rencontres aux Caraïbes — Alexandre Koutchevsky [reportée puis annulée cause covid]
— 7 au 18 avril 2021 — résidence accueillie par L'Archipel, Fouesnant
— 15 mai au 1er juin 2021 — résidence de création à Larmor Plage accueillie par le théâtre de Lorient
— 15 au 22 juin 2021 — résidence de création par l'Archipel, Fouesnant
FLORENCE BOURGEON, chargée de diffusion
florencebourgeon[a]lumieredaout.net / 06 09 56 44 24
ALEXANDRE KOUTCHEVSKY, auteur et metteur en scène
alexandrekoutchevsky[a]lumieredaout.net / 06 31 09 30 34
Interprètes Charline Grand, Élios Noël
à partir de 14 ans
Texte et mise en scène Alexandre Koutchevsky
Interprètes Charline Grand, Élios Noël
Assistanat à la mise en scène Thaïs Salmon Goulet
Production Gabrielle Jarrier
Administration Alice Boizard
Production Lumière d’août
Coproduction l'Archipel, Fouesnant-les-Glénans
Création 24-25 septembre 2022, Beg-Meil, Fouesnant-les-Glénans (29)
organisé par l'Archipel, à l'occasion de l'événement
"Du côté de Beg-Meil, Marcel Proust à Fouesnant"
Créé en bord de mer, le spectacle est adaptable à tout type de paysage.
- Élios : J’étais assis sur ma chaise en classe de Première, un jour de soleil il y a 24 ans, en février je crois – depuis ce jour d’ailleurs, il m’arrive toujours des choses en février – et monsieur George, notre professeur de Français, nous a distribué une petite page de Marcel Proust. Mais Proust, même réduit à la surface légère d’une feuille A4, ce fut comme une statue qui serait tombée sur nos tables. Arpentant la salle de son pas sûr et cadencé, Monsieur George a fini sa distribution, est retourné sur son estrade, s’est assis, a regardé l’hiver lumineux par la fenêtre et a dit : « Jeunes gens, vous êtes en classe de Première littéraire. » Et là, il a marqué un temps, comme s’il venait de nous révéler une information qui nous aurait échappé, et il a repris : « Nous avons parcouru plus de la moitié de l’année scolaire, dorénavant nous penchons vers le Bac, vous avez fait vos dents sur Francis Ponge, Henri Michaux, René Char, Marguerite Duras, aujourd'hui fin de l’échauffement, le jour est venu pour vous de rencontrer Marcel Proust. » Il a souri et c’est là que nous avons tous entendu - c’était pas loin de moi sur ma gauche – ta voix chuchotée, Charline, qui a dit :
- Charline : Oh-pu-tain.
Un Burkinabè : Aristide, une Française : Charline. Chacun fait le voyage vers l'autre. Ce voyage, dans ses dimensions géographiques et politiques, traduit à lui seul l'histoire noueuse qui relie depuis des siècles ces deux continents.
Ça n'est pas le même voyage si tu voles vers le nord ou vers le sud.
Chacun porte en soi l'histoire de son pays, traîne derrière lui l'ombre de son continent.
Elle se sent à la fois responsable de cette histoire et pleine d'espoir, lui aussi, mais est-ce pour les mêmes raisons ?
Il parle français et mooré. Elle parle français, et mooré... faut voir.
Comment se parler et vivre ensemble avec cette Histoire qui nous suit partout jusqu'au milieu du ciel ?
Dramaturgie, recherches : Charline Grand
Traducteur en mooré : Sidiki Yougbaré
Costumes : Martine Somé, en collaboration avec Laure Fonvieille et Charline Grand
Collaboration dramaturgique : Coraline Epaud
Assistant mise en scène au Burkina Faso : Vincent Kaboré
Doublure d'Aristide Tarnagda au Burkina Faso : Ali Doueslik
Régie au Burkina Faso : Mohamed Kaboré
Régie en France : Arnaud Godest
Chargée de production : Gabrielle Jarrier
Diffusion : Florence Bourgeon
Administration : Charlotte Hubert-Vaillant
Montage vidéo : Paul Poncet
Production : Lumière d'août
Coproduction :
Le Canal / théâtre du pays de Redon, scène conventionnée pour le théâtre (Redon), Théâtre de l'Aire Libre (Saint-Jacques de la Lande) - festival Mythos (Rennes)
Soutiens logistiques :
les Récréâtrales / Ouagadougou, Burkina-Faso
Théâtre acclamations (Aristide Tarnagda), Ouagadougou, Burkina-Faso
Tout public à partir de 12 ans
Durée 1h25
Jauge : 95 personnes
— « Le Canal se délocalise à l'école Marie-Curie » — Ouest-France — 4 avril 2014
— « Une rencontre entre deux cultures » — Ouest-France, 7 avril 2017
— « Le festival a fait le plein à l'Aire Libre » — Ouest-France, avril 2017
— « Festival Mythos, Rennes : l'état du monde » — Inferno, 11 avril 2017
— « Mgoulsda yaam depuis Ouaga » — L'observateur paalga, Saïdou Alceny Barry — n°9351 du 27 avril 2017
— « L'Africain ne voyage pas, il fuit » — Le Télégramme, Christel Bouton — 2 juin 2018
— Création les 29 et 30 mars 2017 à 20h, école Dagnoën à Ouagadougou (BF)
le 4 avril 2017 à 19h avec Le Canal à Redon (35, FR)
les 7 et 8 avril 2017 à 19h dans le cadre du festival Mythos à Saint-Jacques de la Lande (35, FR)
— Représentations du 28 au 30 mai 2018 à 19h à Lorient (56, FR), école de Bois du Château, avec le théâtre de Lorient
— Représentations les 31 mai et 1er juin 2018 à 19h30 à Brest (29, FR), école Pen Ar Streat avec la Maison du théâtre et Le Quartz
— Résidence d'Aristide Tarnagda à Saint-Jacques de la Lande — 9 au 19 janvier 2016
Lecture par Marina Keltchewsky des premières pages écrites pendant cette résidence le 18 janvier à 19h à l'Aire Libre.
— Résidence d'écriture d'Alexandre Koutchevsky et Aristide Tarnagda, avec Charline Grand en fin de résidence, Rennes métropole — juin-juillet 2016, lecture publique jeudi 7 juillet 2016
— Charline Grand à Ouagadougou pour immersion et apprentissage du mooré — août 2016
— Recherche de lieu et premiers temps de répétition, Aristide Tarnagda, Alexandre Koutchevsky et Charline Grand à Ouagadougou — novembre 2016
— Répétitions à Rennes/Redon — 13 au 20 février 2017
— Répétitions à Ouagadougou — 13 au 28 mars 2017
Mais des fois j’ai envie de dire : bien fait pour nos gueules !
Qu’avons-nous à vouloir coûte que coûte vivre à la remorque des rêves des autres ?
Qu’est-ce que ça signifie émergence ? Développement et consorts ?
Qu’avons-nous à vouloir être noté par les autres ?
Pourquoi toutes ces frontières tracées à Berlin ne sont pas remises en cause ?
Qu’avons-nous à ne pas être nous-mêmes ?
Qu’avons-nous à vouloir habiter la langue des autres quand bien même nous n’avons aucune foi en leur langue ?
Comme tu le sais Charline, « dormir sur la natte des autres, c’est dormir à même le sol » et c’est bien fait pour nos gueules moi je dis. Aucun peuple ne peut grandir en naviguant à vue. Impossible. Nous sommes largués sur cette terre afin de tracer des chemins vers les étoiles. Et le chemin des étoiles passe par le rêve. Et le rêve lui-même est enfanté par la langue. Nos langues. Oui la langue est le chemin qui nous mène à notre étoile. Parce que nous savions par la mémoire de nos langues que nous ne mourrions pas de faim comme la langue du monde veut nous le faire croire. Parce que nos langues à nous n’avaient pas enfanté Diplômes-Chômage-Croissance-Patron-Heure-Industrie-Usine-Port-Télé-Communication-Développement-Émergence-Sauvage-. Non. Avant le viol de nos langues par la langue du monde nous mangions le ciel. Le ciel était juste au dessus de nos têtes. Nous levions juste la main puis nous coupions des morceaux du ciel et les mangions. Et pendant la digestion du ciel dans nos ventres, les étoiles venaient nous apprendre à nommer les choses.
Depuis 2007 et sa venue en résidence à Rennes, Aristide Tarnagda, auteur, metteur en scène et comédien burkinabè, entretient une collaboration fertile avec Lumière d'août, compagnie théâtrale/collectif d'auteurs.
L'aventure des Ciel dans la ville en France, au Mali, Burkina-Faso et Congo, a marqué des étapes fortes de cette relation. Spectacle déambulatoire joué autour et dans les zones aéroportuaires, Ciel dans la ville a été créé trois fois en France (2007, 2008, 2011) ainsi qu'à Bamako et Ouagadougou (janvier 2010) et à Brazzaville (décembre 2012). Porté par Alexandre Koutchevsky, auteur, metteur en scène et pilote, ce projet au long cours développe le « théâtre-paysage » qui s'appuie sur la puissance singulière des représentations à ciel ouvert.
Aristide Tarnagda a tenu une place centrale dans Ciel dans la ville puisque c'est lui qui a invité le projet – ayant assisté à sa création à Rennes en 2007 – à venir se développer en Afrique. En outre, Aristide a également tenu la place d'auteur et de comédien dans plusieurs éditions de Ciel dans la ville.
Quant à la comédienne Charline Grand, elle a participé à tous les projets nommés ci-dessus. Elle a par ailleurs, depuis 2003, mené son propre chemin sur le continent africain avec Alfred Dogbé, homme de théâtre nigérien dont elle a monté plusieurs textes en France, au Niger et au Burkina. C'est pourquoi Charline Grand est non seulement comédienne mais également dramaturge et accompagnatrice de chaque étape de réflexion, repérages, écriture, de Mgoulsda yamb depuis Ouaga. Sa démarche d'apprentissage du mooré au cours de l'année 2016 ne fait que renforcer cette place particulière au sein de Mgoulsda yamb depuis Ouaga.
Ce projet Burkina/France s'appuie donc véritablement sur le trio Aristide Tarnagda, Alexandre Koutchevsky, Charline Grand, et s'inscrit dans le droit fil d'une aventure commune entamée en 2007.
Charline Grand et Aristide Tarnagda. Photo : Caroline Ablain.
« Depuis longtemps me trottait dans la tête l'envie de demander à Aristide Tarnagda d'écrire sa vision, son analyse personnelle sur la situation de son pays, le Burkina-Faso. Plus largement, j'avais envie qu'il mette par écrit sa réflexion sur la situation de plusieurs pays africains subsahariens, anciennes colonies françaises.
Dans nos multiples discussions, depuis huit années que nous travaillons ensemble, j'ai souvent entendu chez lui un discours que je n'entendais pas ailleurs, ou de manière moins affirmée ou plus diffuse. En tout cas un discours que je n'entendais pas, ou très peu, en France. Depuis des siècles, l'esclavage, la colonisation, le néo-colonialisme, les régimes autoritaires, la corruption, ont asséché une chose essentielle chez beaucoup de peuples africains : la capacité à espérer prendre en main son destin et à désirer un autre modèle de vie et de développement que celui proposé par l'Occident.
Très vite nous est venue l'idée que cette pièce devait être un dialogue entre nous deux, entre nos deux écritures. Il nous a semblé que nous nous connaissions suffisamment bien pour pouvoir écrire à deux, poser les questions brûlantes à deux, notamment en puisant dans notre histoire commune des créations Ciel dans la ville. Comment la « grande Histoire » influence-t-elle nos vies, notre travail, nos collaborations ? Et en retour comment essayons-nous de tracer notre chemin artistique et humain dans les pièges et méandres de cette Histoire?
Nous voulons chercher dans ce rapport dialogué d'amitié artistique un angle d'éclairage des questions politiques et historiques qui associent la France et le Burkina, et, plus largement, l'Occident et l'Afrique. Comment trouver la juste relation humaine et artistique sous le poids de l'Histoire ?
La « révolution » au Burkina du 30 octobre 2014, que nous avons vécue ensemble sur place, constitue un des points de cristallisation de ces questionnements : l'espoir soulevé, la grande maîtrise des civils, la tenue et la lutte exemplaires du peuple burkinabè, constituent des leçons de liberté pour beaucoup d'entre nous. Mais est-ce une « révolution » qui mène à de profonds changements de société, à une réinvention de destin, ou bien simplement une insurrection populaire inévitablement recadrée par la dynamique d'occidentalisation ? »
A.K.
Suite à la résidence d'Alexandre Koutchevsky et Charline Grand à Ouagadougou en février 2016, nous avons décidé de pousser plus avant l'idée de réciprocité entre les deux peuples, pays, cultures, qui a toujours sous-tendu les spectacles réalisés par Lumière d'août avec les artistes du continent africain.
Le français est dit « langue officielle » au Burkina (comme beaucoup d'autres pays africains), mais est-ce à dire alors que les langues parlées depuis des siècles par les habitants sont « officieuses » ?
Partant de ce paradoxe sémantique nous avons décidé que des passages de la pièce sont dits en mooré, tant par Aristide Tarnagda, qui parle cette langue depuis l'enfance, que par Charline Grand, qui l’a apprise durant l'année 2016 (au cours de plusieurs voyages à Ouagadougou en août et en novembre, de plus de deux mois au total).
Ces passages sont traduits en direct : Qui traduit qui, en quelle langue, et quoi ? C'est une question joueuse pour le théâtre mais également pleine d'enjeux.
De manière plus large : qui dit quoi ? D'où ça parle quand la Française Charline prononce les paroles écrites par le Français Alexandre ? Ou celles écrites par le Burkinabè Aristide ? Et inversement, quand Aristide prononce celles écrites par Alexandre ?
C'est à un véritable exercice de croisements, d'entrelacements des paroles que nous convie Mgoulsda yamb depuis Ouaga.
Brouillages des paroles et de leurs sources, détachement entre la parole et le corps qui la prononce : dans quelle mesure est-il possible de faire entendre ce qui est dit par-delà qui le dit ?
Ce jeu est loin d'être sans enjeux tant on sait que chaque langue véhicule une vision du monde qui lui est propre.
Cet engagement dans la langue de l'autre, la confrontation à ce véhicule chargé d'Histoire, constitue le pilier principal de ce spectacle fondé sur cette idée de retournement.
Répétitions - Ouagadougou - novembre 2016
Dans la cour de l'école Dagnoën, à Ouaga, les écoliers, instituteurs, vendeuses, joueurs de foot, de pétanque, nous ont accueillis chez eux, nous les avons accueillis dans le spectacle.
Dans les cours d'école françaises, il est tout aussi important que les usagers du lieu soient le mieux possible intégrés au spectacle. Cela nécessite une présence de l'équipe artistique au moins deux jours avant les représentations. Non seulement pour des raisons d'adaptation de la mise en scène, mais aussi pour prendre le temps de rencontrer les élèves, enseignants, personnels, parents, de l'école. Il nous paraît capital que le public du spectacle soit en partie constitué des adultes en relation avec les écoles où nous jouons.
Le spectacle n'est pas destiné aux enfants mais nous les accueillons bien sûr lors des répétitions dans leur cour tout au long de notre présence.
Les interprètes portent des costumes fabriqués en « fasodanfani ». Cette étoffe est une composante importante de l’identité du Burkina Faso.
Thomas Sankara, chef de l’état de 1983 à 1987, afin de soutenir la production et la consommation burkinabè, ainsi que l’émancipation des femmes et la création d’emplois, travailla au développement de coopératives de femmes tisseuses, et imposa par décret aux fonctionnaires le port de ce tissu traditionnel.
Cette politique signe la naissance du Faso Dan Fani, littéralement le « pagne tissé de la patrie », du dioula fani : le pagne, dan : tisser et faso : la patrie, le territoire (qu'on retrouve dans Burkina Faso, « le pays des hommes intègres », nom que Thomas Sankara avait choisi pour rebaptiser la Haute-Volta, ex-colonie française).
— ZONGO, Bernard, Parlons mooré, langue et culture des mossis, éditions L’Harmattan, 2004
— BANCEL Nicolas, BLANCHARD Pascal, LEMAIRE Sandrine, La fracture coloniale, la société française au prisme de l'héritage colonial, éditions La Découverte, 2006
— COQUERY-VIDROVITCH Catherine dir., L’Afrique occidentale au temps des français, éditions La Découverte, 2010
— CHAMOISEAU Patrick, Écrire en pays dominé, éditions Gallimard, 1997
— COQUERY-VIDROVITCH Catherine, Petite histoire de l’Afrique, éditions La Découverte, 2011
— BOUBEKER Ahmed, VERGÈS Françoise, BERNAULT Florence, BANCEL Nicolas, MBEMBE Achille, BLANCHARD Pascal, Ruptures postcoloniales, Les nouveaux visages de la société française, éditions La Découverte, 2010
— SARR Felwine, Afrotopia, éditions Philippe Rey, 2016
— RUSCIO Alain, Le crédo de l'homme blanc, éditions Complexe Eds, 2002
Philippe Blanchet, Clément Coulibaly, Agnès Gervaisot et Jean-Yves Forêt, Sylvain Groseil, Régis Kambiray, Eléonore Kocty, Mamadou Koné, Julie Mathieux, Jérémy Perraux, Lauriane Petel, Paul Poncet, Siaka Sanou, Abbas Tapsoba, Aicha Tarnagda et toute la famille, Boukary Tarnagda, Harouna Tiendrebeogo, la famille Zonfo, Bernard Zongo, la famille Zongo, Pascaline Zombré, Gilbert Zombré, Simplice Zombré, Joël Zombré et toute la famille
l’ACRIV de Rennes et ses voltigeurs pour ne pas voltiger les 7 et 8 avril, Attac, compagnie FV, les directeurs et directrices, enseignants et enseignantes et enfants des écoles Dagnoen de Ouagadougou, Marie Curie de Redon et Eugène Pottier de Saint Jacques de la Lande, le kiosque de Moussa, La Luzège en Corrèze, le maquis de Baba, le maquis Vivien, Survie 35, les vendeuses de l’école Dagnoen
FLORENCE BOURGEON, chargée de diffusion
florencebourgeon[a]lumieredaout.net / 06 09 56 44 24
ALEXANDRE KOUTCHEVSKY, auteur, metteur en scène
alexandrekoutchevsky[a]lumieredaout.net / 06 31 09 30 34
Mgoulsda yamb depuis Ouaga = Je vous écris depuis Ouaga (langues mooré et française)