texte de Juliette Pourquery de Boisserin

 

Ce texte a été mis en lecture en janvier 2005, à la librairie Planète Io (Rennes), dans le cadre de la première Sortie d’août.
Mise en lecture Alexandre Koutchevsky. Texte Juliette Pourquery de Boisserin. Avec Charline Grand.

Il a également paru dans le numéro 2 de la revue Du nerf, Rennes, 2005. Directeur de publication : Régis Guigand.

 

Extrait

On est dimanche. C’est tout à coup la sortie de la messe. Il fait nuit. J’entends la cloche qui persiste entre les moteurs des voitures de ma rue et les pulsations de la fête foraine qui n’en finit pas. Je n’y suis pas allée. La cloche toujours, qui me fait un peu mal, la fin de la messe. Je m’imagine en train de franchir le grand porche, pressée contre les autres, en frissonnant, la tête pleine et calme. Et l’air glacé qui arrive. Je ne l’ai pas fait. Je n’ai pas eu le courage de la confrontation. J’y étais pourtant, j’y suis allée, à l’intérieur, tout à l’heure, j’y étais et j’ai prié, en regardant la vieille dame qui faisait le ménage sur l’autel, transportait des calices, en tripotant l’enveloppe dans ma poche, en voyant ces deux couples qui, coup sur coup, sont venus allumer un cierge qu’ils n’ont pas regardé. J’y étais pourtant, mais une heure trop tôt. Une heure, c’est long, et le froid dans l’église commençait à ramper dans mes côtes. Je suis rentrée.

Je pense à pleurer. Je pense à prier. Rien ne sort. Le bruit des machines foraines en plein délire est abrutissant, même lointain. Ça y est, la cloche ne sonne plus. Ma conscience en est moins nerveuse mais je reste tout aussi triste et perplexe. C’est la nuit, c’est dimanche soir. Je suis seule. Chez moi, les pièces sont silencieuses et chaudes. Contraste précaire. Je le sens, je risque de bientôt me laisser bouffer par l’exaspération de l’extérieur. Il va falloir combattre. Je n’ai pas assez d’espace, le calme n’est décidément pas assez protégé, ici. Comment voulez-vous donc que je prie ? Il va falloir combattre. Et dehors, ça hurle et ça crie son plaisir. Oui. Vous en voulez encore. J’en veux encore. J’en veux pour preuve, j’en veux. Je t’en veux. Dans l’après-midi, je suis allée les espionner, cerner un peu toute cette fureur, avec les odeurs de sucre et la guimauve qui dégouline lentement, toujours rattrapée. Faux monde joyeux avec sa faune épanouie. Les forains, en revanche, font unanimement la gueule. Amusez-vous. J’en suis sortie avec la nausée dans le corps. Au fur et à mesure des rues, elle s’est calmée. Je regarde le ciel vaste, bleu.

 

 

Lire le texte intégral (pdf)