texte de Marine Bachelot

 

La pièce Inauguration a été spécialement écrite pour les Brèves d’artistes, à l’occasion de l’inauguration du nouveau théâtre La Paillette à Rennes, le 14 octobre 2006. Elle a été interprétée par Claire Péron.

Inauguration est une tentative, une forme de prélude aux Courtes pièces politiques (spectacle créé fin novembre 2006 à La Paillette).

 

 

extrait

L'auteur et l’actrice apportent un gros bloc de schiste rouge dans l’espace scénique. L’actrice reste dans cet espace, où se tiennent deux chaises côte à côte. L’auteur sort de l’espace et s’assoit en marge, en dehors. L’actrice est debout face public, tout en tenant en mains le bloc de schiste. Elle peut s’en débarrasser au bout d’un moment, s’il est trop lourd.
A un moment donné, elle s’assoit, les fesses posées entre les deux chaises.


L’actrice : Voilà. Même si c’est lourd, nous avons rapporté cette pierre d’en bas, du chantier. Vous l’avez peut-être remarqué, les soubassements, les piliers du nouveau théâtre sont des colonnes de schiste – des pierres comme celle-ci, entassées et serrées dans des filets d’acier. Le théâtre est construit en béton tout ce qu’il y a de plus moderne, mais en bas, séparant le théâtre du sol, vous avez ces piliers de schiste mauve. Le mur qui donne sur la rue est aussi fait de pierres de schiste, encapsulés dans du mortier ocre. Ca donne quelque chose d’assez authentique, d’assez breton, encore mieux, d’assez typiquement ille-et-vilain. Une pierre qu’on aime bien. Qui a du cachet, de la couleur, une certaine âme. Une pierre qu’on retrouve dans l’ensemble du domaine St Cyr : les murs de la maison de retraite, ceux de la résidence étudiante, de la MJC Lavoir, les murs qui bordent le canal – du schiste mauve, partout. Et puis tout à côté, le petit cimetière des bonnes sœurs, le parc, la grande cheminée de brique du lavoir, l’eau qui coule au milieu, la Vilaine. Ah la Vilaine. Le domaine St Cyr, si joliment traversé par la Vilaine, est une zone inondable. C’est pour ça que le théâtre est construit sur ces pilotis de schiste. Pour éviter les éventuelles montées des eaux… Bon.

Comme il s’agit quand même des soubassements du nouveau théâtre, nous nous sommes un peu documentés. Le schiste c’est, à l’origine, des boues, de l’argile. Des sédiments. Enfouis au fond de l’eau, de l’océan, dans des environnements humides. Lors des transformations géologiques, ces argiles et ces boues subissent des changements de température, des pressions tectoniques, des compressions. Ca finit par constituer cette roche en feuillets, rouge, mauve, grâce à des pigments propres au sol, à la présence de minerais de fer. Le schiste a aussi la particularité de rendre le sol silicieux - ce qui veut dire que sur un relief de schiste, rien, ou presque rien, ne peut pousser. Sur le schiste, quelques rares plantes seulement arrivent à s’enraciner, quelques arbres, dont par exemple le bouleau pubescent. Le bouleau pubescent. Un arbuste particulièrement vivace, particulièrement résistant.

Ces pierres de schiste sont extraites d’une carrière à Tréhorenteuc, en pleine forêt de Brocéliande. Elles sont acheminées ici jusqu’en camion. Nous avons fait un petit calcul : le prix de cette pierre de 13 kilos, extraction et transport compris, équivaut à 15 euros. Ce bloc de schiste représente donc 1/280 millionième du prix global de construction du théâtre - la construction de ce beau bâtiment a en effet coûté 4,2 millions d’euros. On peut donc considérer ce bloc de schiste comme une sorte de pierre angulaire.

Si nous amenons sur ce plateau 10 blocs de schiste, nous arrivons aussi à un chiffre qui nous importe : 150 euros. 150 euros était la somme prévue pour rémunérer chaque compagnie pour la « Brève d’artiste » réalisée à l’occasion de cette inauguration. Le Théâtre de la Paillette a donc sollicité une subvention de 1500 euros pour dix compagnies, auprès de la Ville, plus précisément auprès de la Direction de la Vie Associative - dont elle dépend en tant que MJC. La Direction de la Vie Associative n’a pas accordé la subvention. Bon. C’est le jeu des demandes de subventions, parfois ça marche, parfois non. Les compagnies de théâtre connaissent bien ça aussi. Un temps, il a été évoqué que la Paillette prenne en charge sur son budget propre ces 1500 euros. Finalement cela n’a pas été possible non plus. Bon. Ce sont aussi des choses qui arrivent. (L’actrice monte sur le bloc de schiste, et se retrouve en équilibre précaire pour dire la suite du texte) Les compagnies ne sont donc pas rémunérées aujourd’hui pour faire ces Brèves d’artistes, ni par la Ville, ni par La Paillette.

 

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