Moins denses, radeaux, sur les eaux posés, ne dansent plus.
Fatigués de porter leurs misères hautaines,
De Palos de Moguer, appats pour les baleines,
Ils partaient, ivres d'un rêve héroïque et brutal.


Les radeaux flottent sur l’eau s’ils sont moins denses. 
Les radeaux sont le résultat d’une danse politique.
Les radeaux feront la nourriture des crabes. 


Fatigués de porter leurs misères hautaines,
De Palos de Moguer, appats pour les baleines,
Ils partaient, ivres d'un rêve héroïque et brutal.
Moins denses, radeaux, sur les eaux posés, ne dansent plus.


En vérité le peuple des bateaux c’est une belle image.
Quand tout va bien on ne parle ni du peuple ni des bateaux.
On ne voit pas les bateaux sur l’eau, ni les peuples.
On ne voit pas les peuples sur l’eau, ni les radeaux.


Ô fermeture et contrôle des frontières !


Il faudrait pouvoir les bouffer :
mais les vikings des Vinland, rescapés
(l’attaque par des pirates thaï, quelques miettes aux crabes)
mais Lindbergh et Mermoz, rescapés
(les typhons, chair fraiche à sassiété)
mais Gérard d’Abboville, rescapé 
(corps pris dans une nappe de pétrole, corps indigestes)
mais Guy Delage, à la nage, rescapé 
(avalé par un calamar géant, quelques miettes aux crabes).


Moins denses, radeaux, sur les eaux posés, ne dansent plus.
Fatigués de porter leurs misères hautaines,
De Palos de Moguer, appats pour les baleines,
Ils partaient, ivres d'un rêve héroïque et brutal.


Il faudrait pouvoir les grignoter :
mais Peggy Bouchet, à la rame, rescapée 
(bateau rompu contre un iceberg, un festin crustacé)
mais Matthew Webb, le 27 août 1875, entre Douvres et Calais, rescapé
puis noyé sept ans plus tard dans les chutes du Niagara
(le crâne fracassé par les frégates et les albatros, banquet pour les fruits de mer)
mais le capitaine Boyton, parti du Trou du Nez, rescapé
(se faire bouffer par un requin blanc, quelques miettes aux crabes)
mais Raphaëlla le Gouvello, en planche à voile, rescapée
(radeau brûlé, tête brûlée par la foudre, un repas chaud pour les crabes).


Fatigués de porter leurs misères hautaines,
De Palos de Moguer, appats pour les baleines,
Ils partaient, ivres d'un rêve héroïque et brutal.


Rescapé c’est gravé dans la pierre de coelacanthe


Touché-coulé c’est du vent et de l’eau.


Pouvoir désirer sa fossilisation,
pouvoir se jeter dans le sédiment de l’histoire au bon moment, 
avec la bonne force, pour rester une trace.