DUO PARTIE 3


signeafALEXIS FICHET
signenrNICOLAS RICHARD

 

A la suite de la performance Brouille créée en 2007 et jouée depuis une quinzaine de fois, les deux auteurs Alexis Fichet et Nicolas Richard ont imaginé Propriété qu’ils ont notamment présentée au Théâtre de la Bastille en février 2011. Et ils ont conçu Grise, la troisième forme issue de ce travail en duo.

Après avoir été joué deux fois, il est apparu nécessaire aux auteurs de retravailler cette forme, de la pousser vers le théâtre. Le texte a été transformé, un groupe d'amateurs a été associé au travail. Grise est devenu Homère Homer.

 

grise low

 

L’idée de départ de Grise vient de la phrase du cinéaste Jean-Luc Godard à propos de la dette publique de la Grèce en juin 2010.

« On devrait remercier la Grèce. C’est l’occident qui a une dette par rapport à la Grèce. La philosophie, la démocratie, la tragédie. (...) Donc tout le monde doit de l’argent à la Grèce aujourd’hui. Elle pourrait demander mille milliards de droits d’auteur au monde contemporain et il serait logique de les lui donner. Tout de suite. Les Grecs nous ont donné la logique. C’est Aristote qui créa le fameux « donc ». Nous leur en sommes (donc) redevables. Si, à chaque fois que nous disons « donc » nous payons 10 euros à la Grèce, la crise sera résolue dans la journée. » - Jean-Luc Godard.

UN TEXTE ÉCRIT À QUATRE MAINS

Grise vise à l’écriture à quatre mains d’une tragédie gréco-économique et poursuit le jeu de brouillage des textes et des voix exploré dans les performances Brouille et Propriété. Traitant de la crise économique en empruntant le genre tragique, les deux auteurs-interprètes se saisiront des personnages et de la fable qu’ils auront créée en commun. Grise est une crise de la tragédie, une tragédie stylisée et outrancière sur fond de crise économique.

Si Grise reste un exercice lié à la parole et au partage de l’écriture, les personnages et la fable y prennent une importance beaucoup plus grande que dansBrouille etPropriété. Grise, tout en s’amusant avec les codes du théâtre, s’en approche pour profiter de ses qualités : personnages, représentation du conflit, progression d’une fiction. Mais les deux auteurs interviennent sans cesse pour réfléchir et faire retour sur la tragédie en cours.

 

 

signeafCALENDRIER 

— Chantier en juin, septembre et décembre 2011 au Théâtre du Cercle à Rennes (35)

— Création le 9 décembre 2011 lors de la Soirée Verveine #3 au Théâtre du Cercle à Rennes (35)

— Représentation le 14 juillet 2012 lors du festival Peiz in Kreiz Breizh à Saint Gelven (22)

 

 

signeafEXTRAITS signenr

LA FILLE. - Prenez les clefs si vous voulez, prenez les clefs!

LE BANQUIER. - Qu’y a-t-il aujourd’hui par le vouloir de Dieu que je n’obtienne !

LA FILLE. - Nous voici sans moyens et vers où se tourner quand tombe la maison ?

ALEXIS.- Techniquement, dans la vie, ce n’est pas le banquier qui va chercher les clefs et qui expulse les gens.

NICOLAS.- Oui oui je sais, mais bon c’est pour la commodité du récit et de la représentation, on ne va pas tout compliquer, c’est symbolique.

ALEXIS.- Oui parce que sinon il aurait fallu faire intervenir la police, une sorte de police municipale dont le job c’est de concrètement faire sortir les gens, et ensuite de placarder la maison.

NICOLAS.- Oui. Mais c’est important comme personnage, c’est celui qui travaille pour le système, tout en étant victime lui-même : il fait ce pourquoi il est payé et ça ne doit pas forcément lui faire plaisir de faire ça. Mais il assume le job, sans se sentir responsable. Il est le banquier, l’huissier, le flic.

ALEXIS.- Oui. Du coup on a toujours ce problème de représentation de l’ennemi. De l’ennemi absolu qui fait ça consciemment.

NICOLAS.- On a l’impression qu’il n’y a pas de vrai responsable. Le banquier dirait : c’est le marché. On dit « le marché », on dit « les marchés ». Comme une puissance supérieure impossible à représenter. On a souvent des informations globales. Des instances. Des banques. Des agences. Des gouvernements. Le banquier ne sait plus s’il est acteur de ce qui lui arrive, ou une simple marionnette. Il a la sensation d’être déconnecté des conséquences de ses actes, il en est réduit à invoquer des forces supérieures. Il n’est pas mathématicien, il utilise des petits bijoux financiers qu’il n’est pas capable d’expliquer, avec des effets de système qu’il ne maîtrise pas.

ALEXIS.- Du coup, c’est pas très drôle, comme passage.

NICOLAS.- Ouais. C’est la crise...

LE CHOEUR.- Devant les yeux de la famille Simpson
La jeune fille d’une nouvelle crise se voit l’objet
Pris d’un violent spasme sa mâchoire se contracte et bouche ouverte
Brusquement en avant son corps se penche,
le ventre plié la voilà dégueulant
Mais maintenant elle ne peut franchir la porte pour voir au fond de la cuvette
Car le banquier a fermé la maison
A plusieurs reprises quasi frénétiquement la jeune fille actionne la poignée
Puis sa main ne bouge plus du tout
et voilà qu’un nouveau spasme la saisit
Son ventre plié elle se penche en avant la main qui ne lâche pas la poignée
Et le front qui tape la porte
la voilà qui recule et s’effondre par terre
A genoux, encore sonnée par le coup à son front porté,
Elle sent la rosée matinale dans l’herbe du jardinet
Tandis qu’une fine traînée de bile et de bave s’accroche à ses lèvres
A l’intérieur de ce filament lumineux la jeune fille a une étrange vision
Une jeune femme inconnue
Marche dans la salle d’un marché financier
Puis s’élève dans un building de verre
Mais la fine traînée de bile et de bave
Quitte les lèvres de la jeune fille
Le filament scintille encore un peu
Et se dépose doucement sur l’herbe du jardinet
Tandis que la vision se trouble et s’efface.
 

 

Production Lumière d’août
en résidence au Théâtre du Cercle (Rennes)

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